Forêts préindustrielles du Témiscamingue (QC) à partir des archives de l’arpentage primitif, Victor Danneyrolles, Ph. D.

La connaissance de la dynamique historique des paysages forestiers est essentielle pour la conservation des écosystèmes et pour mieux anticiper leur évolution future. Plus particulièrement, en Amérique du nord, les caractéristiques des forêts avant la colonisation et l’exploitation industrielle du territoire (i.e. les forêts préindustrielles) constituent des états de références pour la restauration et l’aménagement des forêts. Dans cette thèse, nous avons utilisé les archives de l’arpentage primitif pour reconstituer les changements de composition des forêts du Témiscamingue depuis l’époque préindustrielle (approx. 1850-1920).

Une approche purement cartographique (Danneyrolles et al., 2016a) associée d’une approche de terrain (ré-arpentage d’observations historiques; Danneyrolles et al., 2016b) ont permis de déterminer les grandes tendances dans la composition des forêts préindustrielles et dans les changements survenus depuis. Les forêts préindustrielles étaient largement dominées par les conifères dont principalement les épinettes (Picea spp.) les pins (Pinus spp.) et le sapin baumier (Abies balsamea). Par la suite, dans les zones très perturbés par les activités humaines, les feux liés à la colonisation superposés aux coupes du début du siècle ont abouti à un remplacement des conifères par les feuillus de début de succession (Populus tremuloides, Betula papyryfera). Inversement, les forêts ayant uniquement subi des perturbations de plus faible intensité (coupes partielles anciennes, épidémies de tordeuse des bourgeons de l’épinette) ont poursuivi des trajectoires distinctes avec une augmentation de taxons de milieux à fin de succession (Acer saccharum, Betula alleghaniensis, Thuja occidentalis).

Finalement, nous avons analysé comment l’augmentation des perturbations liées à la colonisation européenne avait modifié la relation entre les communautés d’arbres et les gradients environnementaux. Bien qu’une importante structuration spatiale des communautés existait à l’époque préindustrielle, nos résultats montrent que les conifères dominants à cette époque (Picea spp., Abies balsamea, Pinus spp.) étaient très ubiquistes du point de vue des gradients environnementaux. L’augmentation des perturbations a ensuite « renforcé » les relations communautés-environnement en favorisant des taxons plus spécialistes (Populus spp., Acer spp.) et en confinant les conifères anciennement généralistes à des conditions environnementales plus restreintes.

Figure 3. Changements dans la proportion de variation entre communautés (diversité-β) liés à des structures spatiales, aux gradients environnementaux ainsi qu’aux deux à la fois. On observe une augmentation de la proportion de la variation expliquée par les gradients environnementaux.

Références

Danneyrolles, V., Arseneault, D., & Bergeron, Y. (2016a) Pre-industrial landscape composition patterns and post-industrial changes at the temperate-boreal forest interface in western Quebec, Canada. Journal of Vegetation Science, 27, 470–481.

Danneyrolles, V., Arseneault, D., & Bergeron, Y. (2016b) Long-term compositional changes following partial disturbance revealed by the re-survey of logging concession limits in the northern temperate forest of eastern Canada. Canadian Journal of Forest Research, 46, 943–949.