Transformation du paysage forestier depuis l’époque préindustrielle dans l’Est du Québec, Raphaële Terrail Ph. D.
Les plans d’aménagement forestier se tournent de plus en plus vers une gestion respectant la variabilité naturelle des écosystèmes, et vers le maintien des processus écologiques. Il est donc nécessaire de comprendre les changements liés aux activités humaines et leurs impacts sur les forêts pour mieux prévoir les changements futurs. L’objectif général de cette thèse est de décrire et de comprendre comment les activités humaines ont transformé paysage forestier depuis le début du XIXe siècle au Bas-Saint-Laurent dans l’Est du Québec.
L’objectif du premier chapitre est d’utiliser un inventaire forestier ancien et indépendant pour valider les données sur la composition des forêts contenues dans les archives de l’arpentage primitif du Québec. Nos résultats démontrent que les descriptions de la composition des forêts dans les archives d’arpentage de type « description de lignes » sont des données robustes permettant la reconstitution de portraits forestiers préindustriels fidèles. La plupart des taxons présents dans les peuplements préindustriels étaient nommés par les arpenteurs et ordonnés selon leurs rangs d’abondance.
L’objectif du second chapitre a été de déterminer comment la composition des forêts a été ré-organisée au cours des deux derniers siècles. Nous avons comparé le portrait forestier préindustriel reconstitué à partir des archives d’arpentage au portrait actuel basé sur les inventaires forestiers gouvernementaux. Nous avons observé une augmentation drastique de la fréquence des feuillus dans les forêts, notamment l’érable à sucre (Acer saccharum, Marsh), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) et le bouleau blanc (Betula papyrifera, Marsh).
Cette augmentation s’est accompagnée d’une diminution des conifères qui dominaient les forêts préindustrielles comme les épinettes (Picea spp.) et le thuya (Thuya occidentalis.L), seul le sapin est resté stable. L’augmentation de l’occurrence des feux dans la région depuis le début du XXe siècle, et l’aptitude du peuplier à coloniser rapidement les sites brûlées pourraient expliquer son expansion.
Dans le troisième chapitre, nous avons évaluer les impacts de des feux anthropiques de colonisations sur la structure du paysage et la répartition des espèces à partir d’une carte d’utilisation des terres réalisée lors d’un survol aérien en 1938, à l’apogée de la colonisation au Bas-Saint-Laurent. Nos résultats démontrent que 90% de la surface des feux se situent à moins de 2 km des zones de colonisation. Une forte connectivité entre les feux et les zone anthropiques (agriculture, villages) indique que la forte abondance de feux à cette époque découle de l’anthropisation des paysages. L’emplacement actuel des peuplements de peuplier faux-tremble semble corresponde à l’occurrence des feux de colonisation au début du XXe siècle.